L’ADN, cette bibliothèque d’informations présente dans chacune de nos cellules, détermine qui nous sommes. C’est en tout cas ce que nous avons pu apprendre à l’école. Mais que diriez-vous si ce n’était en fait pas tout à fait le cas ? À savoir, que nos choix et expériences de vie joueraient un rôle tout aussi important dans notre destinée que celui de ce bagage génétique hérité dès la naissance ?
Sommaire
- Le principe de la vie et de l’information
- Quel est le rôle de l’information génétique ?
- Comment les cellules utilisent-elles l’information ?
- Les protéines, molécules nécessaires à la vie
- Patrimoine génétique et complexité de la vie
- L’influence de l’environnement sur l’expression de l’information
- L’ADN, leader de notre vie ?
Le principe de la vie et de l’information
Tous les organismes sont composés de cellules. Une cellule est la plus petite unité structurale et fonctionnelle du vivant, qui telle une petite usine, permet la création et le fonctionnement de l’organisme. Mais pour se faire, nos cellules doivent suivre un « plan » qui contient toutes les informations leur permettant de mettre en œuvre les directives biologiques essentielles à la vie.
Bagage génétique et héritage de l’information
Nos cellules possèdent un noyau. C’est dans ce noyau que se trouve le « plan » qui réunit toutes les informations qui nous constituent sous la forme d’un « texte » : l’ADN. Ces informations (plan) nous sont héritées de nos deux parents à notre naissance, c’est le patrimoine génétique (ensemble des caractéristiques d’un individu héritées de ses parents).
Chaque cellule du corps humain doit donc être en possession de ce « plan » pour pouvoir vivre et faire fonctionner l’organisme. Pour se faire, celui-ci est « photocopié » par nos cellules et transmis dans chacune d’entre elles. Ainsi, ce principe de « photocopie » se déroule à chaque fois qu’une cellule se multiplie (mitose) dans le corps, et assure qu’une copie du « plan » soit présente dans chacune des cellules de l’organisme.
Organisation de l’information génétique
L’ADN, support de l’information
L’ADN nucléaire (acide désoxyribonucléique) est une grosse molécule qui ressemble à une longue échelle entortillée : on parle de structure en double brin. Chaque brin est formé par l’enchaînement de lettres, ce sont des molécules : les nucléotides (que l’on représente par les lettres A,T,C et G).
Les lettres (molécules) de chaque brin forment des paires (barreaux de l’échelle) et confèrent une structure enroulée en hélice à l’ADN. Imaginez une échelle entortillée où chaque barreau est composé de deux molécules : A (Adénine) s’apparie à T (Thymine) et C (Cytosine) s’apparie à G (Guanine). Ainsi, un barreau de l’échelle est égal à un couple fidèle A-T ou C-G.
Alignées les unes après les autres, ces lettres génèrent un long « texte » qui décrit le « plan » de l’organisme : un enchaînement d’environ trois milliards de nucléotides (lettres) !
Les chromosomes, structures de l’information
Dans le noyau de la cellule, ce long « texte » (ADN) est organisé en « chapitres », qui sont de petits paquets d’informations (matériel génétique) : les chromosomes.
Il faut savoir que le nombre de chromosomes par cellule est une caractéristique d’espèces. Chez les êtres humains, l’entièreté des informations contenues dans le « plan » est répartie sur 46 chromosomes (23 chromosomes hérités de la mère et 23 chromosomes hérité du père = 23 paires de chromosomes).
Les gènes, porteurs de l’information
Dans ces « chapitres » (chromosomes), le « texte » (ADN) se divise en « phrases » : les gènes. Un gène correspond ainsi à une information génétique (phrase) déterminée par sa séquence en nucléotides (enchaînement des lettres qui forment la phrase) et qui est classée dans un « chapitre » (chromosome).
Le génome, l’ensemble de l’information
L’ensemble des « phrases » (gènes) constituées de « texte » (ADN) et classées dans des « chapitres » (chromosomes) forme au final le « plan » de l’organisme : c’est le génome.
Le génome (plan) d’un individu est donc l’ensemble des informations qui le constituent et qui dictent d’une part comment son corps doit être structuré et d’autre par, comment celui-ci doit fonctionner.
Quel est le rôle de l’information génétique ?
L’information génétique (plan ou génome) regroupe ainsi toutes les directives nécessaires au développement (de la conception à l’âge adulte) et au fonctionnement du corps et on estime le nombre de gènes qui composent le génome humain à environ 23 000.
Ainsi, nos petites usines « lisent » les « phrases » inscrites dans les gènes (séquences) dont les informations ordonnent la fabrication de molécules essentielles à la structure et au fonctionnement de l’organisme : les protéines.
Les protéines, molécules nécessaires à la vie
Briques de construction de l’organisme, les protéines servent à la fabrication des muscles, de la peau, etc., et amènent aux caractères qui nous définissent en tant qu’individu : couleur, forme, taille des yeux, texture, épaisseur et couleur des cheveux, etc.
Mais les protéines assurent également une multitude de fonctions dans nos cellules, tissus et organes : métabolisme cellulaire (activités de la cellule), digestion (enzymes digestives), défense (anticorps), transport de l’oxygène (hémoglobine), etc.
Ainsi, et grâce à la fabrication de protéines complexes nommées enzymes, les protéines assurent presque tous les processus et les réactions chimiques nécessaires au fonctionnement de l’organisme !
Comment les cellules utilisent-t-elles l’information ?
Nos petites usines doivent pour vivre, et par conséquent faire fonctionner l’organisme, produire des molécules essentielles (protéines), de même que se reproduire par division cellulaire pour créer de nouvelles cellules. Ainsi, la cellule alterne au cours de sa vie entre deux phases (cycle cellulaire).
Fabrication de protéines et « photocopie » de l’ADN (interphase) :
Dans le noyau cellulaire, l’ADN peut se trouver sous deux états : condensé ou décondensé. Dans cette phase de la vie de notre cellule, l’ADN (texte du plan) présent dans le noyau de la cellule se trouve sous la forme de longs et minces filaments décondensés formant une masse diffuse : c’est la chromatine (sorte de pelote de laine déroulée).
Sachant que la totalité de l’ADN contenu dans le noyau des cellules humaines mesure environ deux mètres, ces filaments de chromatine sont associés à des protéines qui permettent à l’ADN de s’enrouler et de prendre moins de place.
Ce qui est important de comprendre ici est que dans cette phase, la forme décondensée de l’ADN (chromatine) permet d’avoir accès aux « phrases » inscrites dans les gènes pour les lire. En effet, lire une information inscrite sur une boulette de papier sans la déplier au préalable serait bien compliqué !
Durant cette période de sa vie, la cellule lit ainsi les informations contenues dans le plan pour fabriquer des protéines, et copie son génome (plan) dans son intégralité (photocopie du plan) en vue de la prochaine phase de sa vie : former de nouvelles cellules.
Création de nouvelles cellules (division cellulaire ou mitose) :
Au sein du noyau de la cellule, les filaments de chromatine et leurs « photocopies » se condensent. Ils prennent alors la forme de « bâtonnets » : ce sont les chromosomes.
Comme toute l’information (ADN sous forme de chromatine) a été dupliquée, chaque chromosome se trouve être en compagnie de son double : on nomme chaque chromosome (version condensée d’un filament de chromatine) et sa « photocopie », des chromatides sœurs.
Un chromosome et son double équivaut donc à un double bâtonnet : deux chromatides sœurs identiques dans l’information qu’elles portent. Puis, les chromatides sœurs se séparent pour aboutir à la création de deux nouvelles cellules (cellules filles) ayant chacune un bâtonnet (on parle de chromosome fils) et donc le même bagage génétique.
Vous l’aurez compris, on ne parle de chromosomes qu’au moment où la cellule se divise pour former de nouvelles cellules (mitose). La condensation de l’ADN permet ainsi à la cellule une distribution fidèle de son matériel génétique (plan) à ses cellules filles, tout comme sa forme décondensée permet à la cellule d’avoir accès aux informations inscrites dans le « plan » (génome) !
Patrimoine génétique et complexité de la vie
Bagage génétique et destin cellulaire
Toutes les cellules d’un individu comportent les mêmes gènes et notre organisme nécessite pour son fonctionnement, de différentes cellules ayant chacune sa mission (musculaire, pulmonaire, sexuelle, nerveuse, etc.).
L’existence de ces différentes cellules s’explique ainsi par le fait qu’elles n’expriment pas les mêmes gènes : selon qui elle est, la cellule utilise uniquement les gènes qui lui permettent de réaliser sa mission.
Le nombre de gènes et leur expression explique en partie la diversité des fonctions réalisées par toutes les cellules du corps. En effet, le génome humain se constitue d’environ 23 000 gènes, alors que notre organisme fabrique jusqu’à un million de protéines différentes.
Diversité biologique et expression des gènes
Il a pendant longtemps été admis que l’expression d’un gène (la lecture de information contenue dans la « phrase ») menait à la production d’une protéine pour une fonction dans l’organisme.
Mais si l’on se fie à ce principe, il est impossible d’expliquer la diversité des fonctions réalisées par toutes les cellules du corps. Ceci implique que la grande complexité d’un être humain ne découle pas du nombre de gènes qui le constituent !
Par conséquent, d’autres mécanismes doivent pouvoir rendre possible la diversité des fonctions réalisées par nos petites usines. L’épissage alternatif, ce mécanisme au terme barbare, permet ainsi à un gène de produire, en fonction de l’environnement et du « plan » de l’individu, non pas qu’une seule mais bien diverses protéines aux fonctions biologiques différentes.
L’influence de l’environnement sur l’expression de l’information
Le fait que l’expression de nos caractères (qui nous sommes et comment notre corps fonctionne) soit uniquement le résultat de la mise en exécution de notre « plan » personnel (génome) relève certaines questions.
En effet, comment pourrait-on expliquer le fait que des jumeaux ayant hérité du même matériel génétique (même plan) ne développent pas les mêmes maladies ? De même, pourquoi des personnes au bagage génétique différent (plan différent), mais ayant vécu dans des conditions similaires, développent-elles une même pathologie ? La réponse se trouve dans les facteurs influençant l’expression des gènes.
Qu’est-ce qui fait qu’un gène s’allume ou s’éteint ?
La discipline qui étudie pourquoi telle ou telle information portée par un gène est lue alors que telle autre reste en mode « silence » se nomme « épigénétique ». Cette branche de la science étudie les changements dans l’activité des gènes (leur lecture et expression) qui n’impliquent pas de modification de leur séquence d’ADN (texte du plan) et s’intéresse aux effets de l’environnement (au sens large du terme) sur l’expression des gènes.
Comme nous l’avons abordé plus haut, l’ADN nécessite d’être déroulé (sous sa forme décondensée) pour pouvoir être lu. C’est donc le degré de compaction de la molécule d’ADN qui rendra possible ou non la lecture du gène et donc l’expression de son caractère.
L’existence de mécanismes de régulation des gènes permet de diriger leur lecture. Ces mêmes mécanismes sont influencés par l’environnement, de même que par notre vécu (création de modifications épigénétiques).
Ces modifications épigénétiques touchent ainsi la surface des gènes (molécules qui viennent s’ajouter aux nucléotides (lettres) qui constituent l’ADN par exemple) et impactent la manière dont l’ADN est enroulé sur lui-même. Autrement dit, l’ADN ne peut plus être lu et le gène reste silencieux. Il n’est donc plus traduit en protéine.
Épigénétique et maladies
Notre mode de vie joue un rôle important dans les mécanismes engendrant des phénomènes épigénétiques modifiant alors l’expression des gènes. En effet, le stress, l’exposition à des toxiques (par exemple les pesticides), la nutrition, de même que le tabagisme sont susceptibles d’engendrer des modifications épigénétiques, qui telles des taches sur l’ADN conduisent à une lecture biaisée du « texte » d’un gène. Appelées « signatures épigénomiques », celles-ci ont été observées sur des cellules cancéreuses par rapport à des cellules normales.
De ce fait, les processus épigénétiques seraient impliqués dans le développement de nombreuses pathologies, telles que les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, l’obésité, le diabète de type II ou encore les cancers.
Contrairement à une mutation – qui est un changement des « lettres » de la séquence d’un gène (enchaînement des lettres pour former la phrase) – les « marques » épigénétiques sont réversibles. Il devient dès lors possible de corriger les modifications qui posent problème et en particulier celles associées à des maladies (par exemple avec le développement d’épimédicaments qui agiraient sur les « marques » épigénétiques).
L’ADN, leader de notre vie ?
En considérant que les caractères d’un individu sont inscrits dans son ADN, la logique voudrait qu’il soit le seul maître de notre destinée biologique. Hors les gènes ne sont pas synonymes de destin puisque des facteurs environnementaux comme l’alimentation, le stress ou les émotions peuvent modifier l’expression des gènes sans toutefois changer leur matrice de base (texte de l’ADN).
Les phénomènes épigénétiques nous amènent par conséquent à revoir notre façon de penser, en passant, en une certaine mesure, de la « fatalité génétique » à la responsabilité individuelle, puisque l’environnement est un domaine sur lequel l’individu peut agir.
Ainsi, l’approche de l’épigénétique offre l’opportunité de pouvoir mieux comprendre l’origine de vulnérabilités et maladies et nous rend attentif.tive.s au fait que tout n’est pas l’unique produit de nos gènes. Bien au contraire, notre histoire personnelle tient un rôle plus important dans le fonctionnement de notre corps que ce que l’on aurait pu imaginer !
Bonnes découvertes !
Références
- Campbell, N., & Reece, J. (2004). BIOLOGIE (2e éd.). De Boeck.
- Lipton, B. H. (2016). Biologie des croyances – Comment affranchir la puissance de la conscience, de la matière et des miracles (French Edition). ARIANE.
- Un gène combien de protéines ? (2013). Pour la Science. https://www.pourlascience.fr/sd/genetique/un-gene-combien-de-proteines-7574.php
- Epigénétique. (2015). Inserm – La science pour la santé. https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/epigenetique
- Épigénétique, quand les gènes s’allument ou s’éteignent. (2016). Planète santé. https://www.planetesante.ch/Magazine/Ethique-politique-et-droit/Genetique/Epigenetique-quand-les-genes-s-allument-ou-s-eteignent
- L’épigénétique : au-delà des gènes. (2017). Institut Curie. https://curie.fr/dossier-pedagogique/lepigenetique-au-dela-des-genes
complexe et passionnant ! une seconde lecture sera nécessaire !