Si vous deviez énumérer quelques organes du corps humain, penseriez-vous au microbiote intestinal ? Car oui, bien connu sous l’appellation de « flore intestinale », celui-ci est aujourd’hui considéré comme un véritable organe fonctionnel du corps humain ! Voyons ensemble en quoi ces « microbes » qui habitent notre ventre assurent tant de fonctions essentielles au bon fonctionnement de notre organisme.
Sommaire
- Qu’est-ce qu’un organe ?
- Un microbiote c’est quoi ?
- Le microbiote intestinal
- L’écosystème intestinal et la fragilité de son équilibre
- Pourquoi considère-t-on le microbiote intestinal comme un véritable organe du corps humain ?
Qu’est-ce qu’un organe ?
Indispensables éléments de l’organisation du vivant, les organes, comme le cœur, l’estomac ou encore les poumons, sont des structures corporelles reconnaissables et formées par au moins deux types de tissus (cellules liées les unes aux autres).
Chaque type de tissu remplit un rôle particulier, permettant au final à l’organe d’accomplir une fonction essentielle pour l’ensemble de l’organisme.
Un microbiote c’est quoi ?
Définition d’un microbiote humain
Un microbiote est un ensemble de tout petits êtres vivants invisibles à l’œil nu et nommés micro-organismes, qui vivent dans un milieu déterminé. Au niveau de l’être humain, le milieu correspond à une zone du corps. L’ensemble formé par les micro-organismes et leur lieu de vie (zone du corps), avec lequel et dans lequel ils interagissent, forme un écosystème.
Ces micro-organismes sont ainsi de petits habitants avec lesquels nous cohabitons. Ceux-ci prennent pour maison une surface du corps, avec laquelle ils interagissent et construisent une relation telle que l’un ne va pas sans l’autre. On nomme cette interaction une symbiose.
Ainsi, dans notre corps vivent plusieurs communautés de petits habitants (micro-colonies de micro-organismes) que l’on nomme microbiotes.
Les microbiotes du corps humain
Le corps humain abrite plusieurs microbiotes, tous différents les uns des autres dans leur composition en petits habitants (micro-organismes). On distingue ainsi les microbiotes :
- ORL (oreilles, nez, bouche et gorge)1 ;
- cutané (peau)2 ;
- respiratoire (poumons)3 ;
- intestinal (tube digestif)4 ;
- urinaire (vessie)5 ;
- vaginal (vagin chez la femme)6.
Avec 100 000 milliards de micro-organismes hébergés, soit entre 1,5 kg à 2 kilos chez l’adulte, le microbiote intestinal représente de loin le plus important des microbiotes du corps humain !
Le microbiote intestinal
Localisation des micro-organismes intestinaux
Le microbiote intestinal se situe au niveau du tube digestif : les petits habitants colonisent l’estomac et l’intestin grêle (petit intestin), mais se concentrent principalement dans le côlon (gros intestin).
Il faut savoir que notre estomac est un environnement acide et riche en oxygène. Les concentrations en oxygène et en acidité de l’estomac diminuent ensuite dans l’intestin grêle, pour se retrouver inexistantes dans le côlon. Pour nous, êtres humains, il ne serait pas possible de vivre dans cet environnement extrême car dépourvu d’oxygène. Mais la majorité de nos petits habitants sont friands de l’absence d’oxygène, car contrairement à nous, ils n’en ont pas besoin pour vivre et respirer.
Ainsi, plus on avance dans les profondeurs du tube digestif et plus il y a d’habitants !
Description et caractéristiques des micro-organismes habitant notre tube digestif
Les habitants du microbiote intestinal humain sont principalement des bactéries. Mais on retrouve aussi d’autres micro-organismes, comme des virus (principalement les phages, virus des bactéries), des champignons et des archées (micro-organismes constitués d’une seule cellule et vivant dans des milieux particuliers).
Ces micro-organismes, autrefois appelés microbes, ne sont pas exclusivement de sales petites bêtes qui parasitent notre corps pour nous rendre malade. Notre organisme héberge en effet, autant de germes nécessaires à son bon fonctionnement qu’il contient de cellules !
Il existe ainsi dans notre tube digestif, tout un écosystème complexe (village) formé par la présence de nos petits habitants (populations de micro-organismes) dans leur milieu (tube digestif).
L’écosystème intestinal et la fragilité de son équilibre
L’étroite relation entre le microbiote intestinal et l’organisme
En temps normal, nos petits habitants (populations de micro-organismes) vivent dans notre tube digestif sans lui faire de mal. Ils dialoguent avec nos cellules et interagissent avec notre corps pour vivre, tout en nous rendant des services (symbiose).
Mais il faut savoir que parmi les bactéries que nous hébergeons, certaines s’avèrent être potentiellement néfastes. L’équilibre s’acquiert ainsi au nombre de bactéries « gentilles » par rapport au nombre de bactéries « méchantes ».
Ainsi, cet équilibre n’est pas figé dans le temps. De nombreux facteurs environnementaux (nutrition, médication, stress, ou encore certaines infections), de même que des facteurs génétiques (les informations qui se trouvent dans les gènes et qui font fonctionner le corps) influencent à la fois à un instant T :
- les populations de petits habitants présentes (ratio gentils vs méchants) ;
- le nombre de petits habitants logés dans notre tube digestif.
Lorsque le microbiote intestinal et l’organisme n’évoluent plus au sein d’une relation d’entraide harmonieuse (symbiose), un déséquilibre se forme : c’est la dysbiose intestinale. Celle-ci est pour la plupart du temps transitoire, mais il arrive qu’elle perdure, ce qui peut mener vers divers troubles et maladies.
Se constituant dès la naissance, l’écosystème intestinal (notre tube digestif et ses petits habitants) forme ainsi un « tout » dont l’équilibre fluctue au fil du temps (dynamique des populations de micro-organismes) et qui se doit de rester le plus stable possible pour que l’harmonie perdure dans cet ensemble.
La formation de la flore intestinale
Tout commence avec l’accouchement
Dans le ventre de la mère (utérus), l’enfant (fœtus) possède un tube digestif considéré comme stérile (sans petits habitants). C’est au moment de l’accouchement, lors des premiers contacts avec l’extérieur, que se crée le microbiote intestinal (primo-colonisation du tube digestif).
Le type d’accouchement (par voie basse ou par césarienne), mais aussi les conditions dans lesquelles se déroule la naissance impactent la composition initiale (primo-colonisation) du microbiote intestinal (quelles sont les premières populations de petits habitants).
En effet, lorsqu’un enfant naît par voie basse, son microbiote se constitue au contact des flores vaginale et fécale (petits habitants du vagin et des selles) de la mère. Une naissance par césarienne implique quant à elle que l’enfant naisse par le ventre, au contact des micro-organismes cutanés (petits habitants de la peau) de la mère et de l’environnement.
Aussi, la composition du microbiote (populations de petits habitants) d’un enfant qui naît dans des conditions d’hygiène limitées ne sera pas la même qu’un enfant qui naît dans un cadre où les mesures d’hygiène sont élevées.
L’importance des premières années de vie
À la suite de cette « primo-colonisation », et durant les deux à trois premières années de vie, la composition de cette « flore intestinale » évolue qualitativement et quantitativement, sous l’influence de différents facteurs : consommation de lait maternel, diversification alimentaire, génétique, niveau d’hygiène, prescription de traitements médicaux (comme des antibiotiques) et influence de l’environnement de vie.
Dès deux à trois ans, la composition (quels sont les petits habitants qui se sont établis dans le tube digestif) et la diversité des capacités fonctionnelles (qui habite là et ce qu’il peut faire) du microbiote intestinal s’égale à celle d’un adulte, rendant les premières années de vie cruciales dans la création d’un microbiote optimal. Même si cette composition du microbiote est relativement stable jusqu’à la vieillesse où elle commence à s’appauvrir, celle-ci reste toutefois toujours influencée par les habitudes et événements de vie propres à chacun.e.
Par conséquent, la voie d’accouchement (par voie basse ou césarienne), suivie des deux à trois premières années de vie, construit les fondations de notre microbiote intestinal (quelles populations de petits habitants seront présentes). À partir de là, celui-ci, de par ses nombreux rôles dans l’organisme, jouera tout au long de notre vie, un rôle non négligeable dans notre santé !
C’est ainsi que notre histoire personnelle fait que chacun d’entre nous possède dans son intestin un éventail d’espèces bactériennes (populations de bactéries) qui lui est propre, rendant l’individu unique, à l’instar de son empreinte ADN !
Pourquoi considère-t-on le microbiote intestinal comme un véritable organe fonctionnel du corps humain ?
La flore microbienne du tube digestif constitue un important réservoir de gènes
Les informations nécessaires à la construction et au fonctionnement du corps humain se trouvent dans les gènes, qui sont de petits morceaux d’ADN (grosse molécule qui contient toute l’information pour la construction et le fonctionnement de l’organisme).
L’ADN d’une cellule humaine contient bien plus de gènes (et donc d’informations pour faire fonctionner l’organisme) qu’une bactérie. Cependant, au sein de notre tube digestif, les bactéries et autres petits habitants sont abondants et très divers.
La somme de tous les petits habitants du microbiote intestinal et leurs gènes (l’ensemble de leurs génomes) correspond au microbiome intestinal, qui contient 100 fois plus de gènes que notre propre génome (l’ensemble de nos gènes) ! Il représente par conséquent, un potentiel supplémentaire et essentiel d’informations pour faire fonctionner l’organisme.
Aussi, plus notre microbiote intestinal contient de différentes populations de micro-organismes (beaucoup de différents petits habitants et leurs gènes = grande diversité génétique), plus notre corps fonctionne bien (microbiote intestinal optimal car grand potentiel métabolique) !
Ces gènes permettent au microbiote intestinal d’effectuer des tâches essentielles au bon fonctionnement de l’organisme
Grâce au potentiel fonctionnel que représente l’ensemble des gènes des petits habitants de notre tube digestif (microbiome), ceux-ci, en coopérant avec notre organisme, effectuent de nombreuses fonctions physiologiques essentielles :
1) Il prend soin de la barrière intestinale et aide ainsi à l’absorption des nutriments
La barrière intestinale est formée par une couche de cellule (épithélium intestinal) qui tapisse la surface de l’intestin grêle. Cette couche épithéliale possède une architecture adéquate et particulière, optimisée pour l’absorption des nutriments dans le corps, de même que pour jouer son rôle de barrage aux intrus.
Prenant soin de celle-ci, nos petits habitants jouent un rôle de maintenance en aidant la barrière intestinale à conserver son architecture et ses fonctions au sein de notre organisme.
2) Il fait garde-frontière
Étant donné sa connexion avec l’extérieur (par la bouche et l’anus), le tube digestif tient un rôle essentiel de barrière pour notre environnement intérieur. En effet, qui dit ouverture sur l’extérieur, dit danger ! En coopérant avec la barrière intestinale, nos petits habitants empêchent que de méchants intrus (micro-organismes pathogènes ou toxines) puissent s’établir et prospérer ou encore s’introduire dans le corps. La présence de petits habitants en grand nombre est ainsi essentielle pour maintenir l’efficacité de cette barrière.
3) Il nous aide à digérer les aliments et produit des métabolites, « matériaux » essentiels pour notre organisme
Lorsque nous mangeons, nos cellules coupent les aliments en petits morceaux pour les rendre assimilables par le corps (nutriments), grâce à des outils que l’on nomme « enzymes ».
Grands ouvriers, nos petits habitants possèdent d’autres outils (enzymes) que nos cellules n’ont pas. Ainsi dans le côlon, sont découpés tous les morceaux qui n’ont pas pu l’être au niveau de l’intestin grêle, nous permettant alors de digérer certains aliments que nous ne pourrions pas digérer sans leur présence.
Aussi, lorsque nos petits habitants mangent (fermentation) en puisant leur nourriture dans les aliments que nous ne sommes pas capables de digérer, ils nous fournissent des composés essentiels au bon fonctionnement de notre organisme (métabolites). Ces métabolites nous sont nécessaires car nous ne sommes pas capables de les produire seul.e.s. Ce sont par exemple des acides gras à chaînes courtes ou encore certains acides aminés.
Mais ce n’est pas tout ! Nos petits habitants participent également à la synthèse de vitamines importantes, comme la vitamine K sans laquelle la coagulation du sang ne pourrait se faire.
4) Il participe à l’éducation de notre système de défenses immunitaires
Le système immunitaire est une armée de cellules chevalières qui œuvrent à la protection du corps en combattant les virus, mauvais champignons ou méchantes bactéries.
Pour se faire, ces cellules reconnaissent les gentils des méchants, grâce à une « étiquette ». Les petits habitants du microbiote intestinal portent ainsi une étiquette « amis », contrairement aux autres qui portent une étiquette « intrus ». Ce sont donc les cellules de notre système de défenses qui apprennent à juger qui est tolérable au sein de l’organisme et qui ne l’est pas.
La tolérance envers nos micro-organismes intestinaux, de même que l’efficacité générale de notre armée chevalière, découle d’un délicat processus d’éducation. Celui-ci se met en place dès notre naissance, avec à l’arrivée successive de nos petits habitants, qui permettent ainsi à notre armée chevalière de devenir pleinement opérationnelle.
5) Il parle au cerveau
Intimement liés, notre intestin et notre cerveau communiquent ensemble de manière bidirectionnelle. Ainsi, pour le bon fonctionnement de notre organisme, notre cerveau parle à notre intestin et notre intestin parle au cerveau (axe intestin-cerveau). Mais nos petits habitants interviennent également dans ce dialogue bidirectionnel, en envoyant des messages au cerveau, agissant ainsi sur son fonctionnement.
En définitive, nous avons vu que nos petits habitants remplissent de nombreuses fonctions biologiques locales (ventre), mais aussi à l’échelle de tout notre corps.
Lorsqu’un de nos organes dysfonctionne, cela affecte notre santé, et il en est de même pour notre microbiote intestinal.
C’est pourquoi, de par ses nombreux rôles essentiels dans le bon fonctionnement de notre organisme, le microbiote intestinal est aujourd’hui considéré comme un véritable organe fonctionnel du corps humain !
Bonnes découvertes !
Références
- Aeschlimann, L. (2020). Le microbiote intestinal et son impact sur la santé mentale. Revue suisse de pédagogie spécialisée. https://www.szh-csps.ch/r2020-12-01
- Cassard, A.-M., & Thomas, M. (2019). Les microbiotes humains : des alliés pour notre santé. Encyclopédie de l’environnement. https://www.encyclopedie-environnement.org/sante/les-microbiotes-humains-des-allies-pour-notre-sante/
- Comprendre les microbiotes. (s. d.). Biocodex Microbiota Institute. https://www.biocodexmicrobiotainstitute.com/fr/comprendre-les-microbiotes
- Di Domenico, M., Ballini, A., Boccellino, M., Scacco, S., Lovero, R., Charitos, I. A., & Santacroce, L. (2022). The Intestinal Microbiota May Be a Potential Theranostic Tool for Personalized Medicine. Journal of Personalized Medicine. https://doi.org/10.3390/jpm12040523
- Filleron, A., & Jumas-Bilak, E. (2015). Implantation du microbiote intestinal chez l’enfant : ontogenèse d’une niche écologique. Revue francophone des laboratoires. https://doi.org/10.1016/s1773-035x(15)72819-4
- Kaoutari, A. E., Armougom, F., Raoult, D., & Henrissat, B. (2014). Le microbiote intestinal et la digestion des polysaccharides. M S-medecine Sciences. https://doi.org/10.1051/medsci/20143003013
- Le microbiote intestinal. (2022). Sénat. https://www.senat.fr/rap/r21-450/r21-450.html
- Le microbiote intestinal. (2023). Biocodex Microbiota Institute. https://www.biocodexmicrobiotainstitute.com/fr/le-microbiote-intestinal
- Marteau, P. (2013). Microbiote intestinal. EMC – Gastro-entérologie. https://doi.org/10.1016/S1155-1968(13)43247-9
- Microbiote intestinal (flore intestinale) : Une piste sérieuse pour comprendre l’origine de nombreuses maladies. (2021). Inserm. https://www.inserm.fr/dossier/microbiote-intestinal-flore-intestinale/
- Rabot, S. (2015). Axe intestin-cerveau : comment le microbiote intestinal influence la réponse au stress. Bulletin De L Academie Veterinaire De France. https://doi.org/10.4267/2042/57938
- Testard-Vaillant, P. (2022). Les pouvoirs méconnus du microbiote, peuple de nos intestins. CNRS Le journal. https://lejournal.cnrs.fr/articles/les-pouvoirs-meconnus-du-microbiote-peuple-de-nos-intestins
- Thursby, E., & Juge, N. (2017). Introduction to the human gut microbiota. Biochemical Journal. https://doi.org/10.1042/bcj20160510
- Tissus et organes. (2022). LE MANUEL MSD, Version pour le grand public. https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/fondamentaux/le-corps-humain/tissus-et-organes?query=organe
- Wallenborn, J. T., & Vonaesch, P. (2022). Intestinal microbiota research from a global perspective. Gastroenterology report. https://doi.org/10.1093/gastro/goac010